Il n’y a pas qu’à La Faute-sur-Mer… Partout en France, des milliers de maisons sont bâties en zones dangereuses ou protégées. En cause, l’Etat et certains élus peu scrupuleux.

En fait – les délogés de Vendée et de Charente-Maritime seront ravis de l’apprendre – il existe deux sortes de zones inondables : celles dans lesquelles on démolit les maisons, comme chez eux, parce que la sécurité ne se négocie pas. Et celles où l’on en construit de nouvelles, parce que, après tout, avec une bonne bouée… Ainsi, par exemple, à Carnoules, une petite commune du Var, un promoteur a-t-il récemment obtenu un permis de lotir pour une vingtaine d’habitations sur un terrain inconstructible pour cause de fort risque d’inondation.
L’endroit est d’ailleurs bien connu des riverains : en 2005, le lotissement voisin a été submergé en une demi-heure par 1,50 mètre d’eau et rétrogradé lui aussi en zone impropre à la construction. «Si vous écrivez qu’il y a un problème, vous aurez affaire à moi !», menace le promoteur, qui écoule en ce moment ses dernières parcelles à bâtir.
Les maires ont les mains libres
C’est fou comme les esprits s’échauffent vite dès qu’on parle permis de construire ! «Il y a tellement de magouilles…», soupire le responsable d’une association environnementale. De fait, plusieurs semaines d’enquête nous l’ont confirmé, les sombres manœuvres mises à jour après la tempête Xynthia sont monnaie courante de Dunkerque à Perpignan.
Entre les permis légalement délivrés dans des zones à risque (inondation, incendie, pollution…), les autorisations signées en dehors de toute légalité, les refus qui se transforment soudain en feux verts, les yeux fermés sur les constructions sauvages et les faux documents, maquillés parfois par les préfectures elles-mêmes, les dossiers sont souvent aussi gangrenés qu’un mur rongé par le salpêtre.
Parmi les 321 000 autorisations délivrées l’an dernier en France, combien, au juste, l’ont été en dehors des clous ? Personne n’en a aucune idée, pas même le ministère de l’Ecologie. Mais, à en juger par les centaines de plaintes déposées chaque année devant la justice, le chiffre est probablement très élevé. Rien qu’au Lavandou, où elle chasse les passe-droits avec une énergie de justicière, Martine Lafontaine, présidente de l’Association locale de défense de l’environnement, en a fait annuler plus de cinquante ces dernières années